Frédéric Vifian

Ancien coureur professionnel,
Fils de Bernard Vifian

Des souvenirs qui m’inspirent tous les jours

Fils de compétiteur reconnu puis de gérant d’un commerce de cycles de référence, ma route semblait toute tracée. Mais il ne suffit pas d’avoir la tête dans le guidon. Sa Passion du vélo, mon père a su me la transmettre habilement. La compétition m’aura appris à devenir ambitieux et repousser mes limites mais c’est clairement lui qui a su bien avant éveiller en moi cette sensation de bien être et de liberté. Un ressenti, qui malgré une certaine nostalgie de ces moments partagés dorénavant lointains, n’a fait que se renforcer toutes ces dernières années.

Au cours de ma carrière cycliste, il m’a été fait remarqué à plusieurs reprises que j’avais un sens inné de la course. Dès mes débuts en catégorie Juniors, mon père a su m’inculquer une approche judicieuse de la compétition. Des échappées dont je garde un souvenir mémorable et qui m’inspirent depuis dans mes actions de la vie quotidienne.

Plus qu’un sens de la course et une passion, c’est réellement une façon d’avancer dans laquelle il m’a servi de guide.

Bertrand Duboux

Journaliste sportif

Bernard Vifian : une carrière inachevée, hélas

Lorsque nous est parvenue la nouvelle du décès de Bernard Vifian, j’ai eu du mal à y croire et à m’en remettre. Lui, le sportif accompli, le père tranquille, l’ami, nous quittait sans prévenir moins de trois ans après avoir pris sa retraite de commerçant. Un choc pour tous ses proches, sa famille, ses potes, nombreux et fidèles. Un trou béant au sein de la petite famille du cyclisme régional qu’il avait marqué de son empreinte dans les difficiles années 1960-70. Pourquoi le destin est-il si cruel avec ceux qu’on aime et qui nous le rende bien ? Bernard a voué sa vie à son sport, son magasin, sa famille, ses amis. Il était un gentleman du vélo unaniment apprécié, qui savait si bien conseiller et servir sa fidèle clientèle, et d’un coup tout s’arrêtait alors qu’il aurait mérité de pouvoir goûter à une retraite heureuse.

J’avais pour Bernard une profonde amitié. Celle-ci est née du temps de mes premières années de journaliste, lorsque je résidais dans le quartier de Malagnou et qu’il venait d’ouvrir avec Noëlle, son épouse, son magasin de cycles à la route de Chêne Bourg. Régulièrement je passais le voir le lundi matin pour discuter des courses et connaître son avis sur les résultats. On parlait aussi de l’évolution du sport cycliste et à ce sujet il avait un avis très pertinent.

Mais je n’étais pas le seul à lui rendre visite. Et lui, qui avait disputé Tour de Romandie, Tour de Suisse, Giro et Tour de France notamment, lui qui avait roulé avec Pingeon, Poulidor, Merckx, Gimondi, Agostinho, Adorni, Julio Jimenez et compagnie, devait se farcir chaque lundi matin les commentaires personnels des coureurs du dimanche ou d’anciens, frustrés, qui écumaient désormais les courses populaires ! C’était devenu trop et insupportable. Il n’en pouvait plus. Alors pour se préserver des « exploits » de ces pseudo-champions décalés de la réalité, il avait pris finalement la décision de n’ouvrir qu’en début d’après-midi !

En tant que coureur, Bernard avait un réel potentiel pour réussir une belle et grande carrière. Hélas, après le cyclisme flamboyant des années 1950, celles des Kübler, Koblet, Schär, il y a eu le creux de la vague que n’ont pu combler deux autres Zurichois, Rolf Graf et Rolf Maurer. Côté romand, le retrait de Cilo laissa un vide. Le vélo était devenu une peau de chagrin. Plus de soutiens, plus de moyens, peu de débouchés malgré une profusion de constructeurs sur le plan national (Tebag, Condor, Tigra, Mondia, Allegro).

C’était devenu le règne de la débrouillardise pour être professionnel. Il fallait travailler à côté du vélo pour gagner sa vie. Durant les trois mois d’hiver, Bernard cloutais les pneus chez Semperit ou effectuait des livraisons pour la maison Torre. Pour permettre aux amateurs qui avaient le niveau de s’aligner avec les pros et disputer les grandes épreuves, on créa la catégorie des Indépendants. Rien n’était facile, à moins de jouer les mercenaires comme l’a fait l’autre Genevois René Binggeli. Et comme devra le faire Bernard sur le Tour de France (73e en 1967 et 22e en 1970 en tant qu’équipier du Portugais Agostinho, grand rival de Merckx) et le Tour d’Italie (1968-69-71 au service de Julio Jimenez), ce qui ne l’a pas empêché de réaliser quelques belles et grandes performances personnelles.

A son palmarès notamment, trois titres de champion de Suisse : poursuite 1966 (amateurs) et 1967 (professionnels) après avoir battu Freddy Rüegg, le recordman suisse de l’heure ; route 1969. Cette année-là, il avait terminé 6e du Tour de Romandie, gagné par Felice Gimondi et il terminera 3e du Tour de Suisse derrière Vittorio Adorni et l’Espagnol Aurélio Gonzalez. Après sept saisons dans un contexte économique difficile, avec un salaire dérisoire et où il fallait courir les primes pour nouer les deux bouts, il était toutefois l’heure de penser à l’avenir. A 27 ans, la mort dans l’âme, il choisissait de descendre du vélo et d’ouvrir son propre commerce. Il y remontera souvent avec ses potes Les Vifianos qui écumeront l’Europe en cyclosportifs dans la joie et la bonne humeur. Avec ce magnifique esprit qu’il savait si bien transmettre et qui lui aura permis de rayonner sur tous ceux qui furent ses compagnons de route. Tu nous manques, cher Bernard.

Bertrand Duboux, 12 mai 2016

Jérôme Bernard

Ancien coureur élite
membre des Amis de Bernard Vifian

Nous débriefions ensemble de la dernière course

Aussi contradictoire que cela puisse paraître, le cyclisme est un sport aussi populaire qu’il est onéreux ! Sans soutien matériel ou financier, il est donc difficile de le pratiquer dans les meilleures conditions.

Cette réalité est d’ailleurs encore plus vraie aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. Je me souviens qu’alors jeune coureur, bien avant mes années dans l’Elite, Bernard Vifian et les collaborateurs de son magasin de cycles m’apportaient un soutien technique (et moral) toujours indéfectible, accompagné de leurs conseils avisés et de leurs encouragements lorsque nous débriefions ensemble la course du week-end. Ce soutien et cette solidarité de passionnés de cyclisme reste encore à ce jour un de mes plus beaux souvenirs de coureur.

Pierre Wassmer

Thérapeute
membre des Amis de Bernard Vifian

Au revoir champion !

Il est de tradition d’avoir une partie officielle lors d’événements,
C’est pour cela que je m’adresse à vous pour un tout petit moment.

Votre présence témoigne votre attachement à notre ami Bernard Vifian,
Qui aujourd’hui prend sa retraite et il le mérite vraiment.

Bernard, homme d’exception, tu ne laisses personnes indifférent,
Très bon cycliste, tu es devenu un excellent commerçant.

Par tes performances, ta générosité et ta gentillesse nombreux sont tes fans,
D’ailleurs on verra encore longtemps sur les routes les maillots VIFIAN.

Au passage on réalise combien le temps passe vite,
Une vie bien remplie, pleine de légendes et d’anecdotes pas tristes.

Ton beau palmarès où figurent plusieurs titres de Champion suisse sur piste,
Des participations au Tour de France, au Giro et à de nombreuses classiques.

Même aux Championnat du monde et un titre de Champion suisse sur route,
Excellent contre la montre tu avais un sacré potentiel sans aucun doute.

Et ces reportages de Jean Regali ou de Vico Rigassi que nous écoutions,
C’est que nous étions fiers de suivre les exploits de notre champion.

Mais, à l’époque les temps étaient difficiles et tu pourrais avoir des regrets,
Structures insuffisantes, peu de sponsors et en prime que de petits cachets.

C’est que durant cette période il y avait en plus des pénibles exigences,
Comme dormir sur des matelas dans des écoles lors du Tour de France.

Et ces rudes et longues étapes pratiquement sans ravitaillement,
Pourtant, tu as fait le métier avec enthousiasme et passionnément.

En 1973, tu te lances dans la plus longue et redoutable étape,
C’est la naissance des Cycles VIFIAN avec le succès qui nous épate.

C’est toi qui a introduit en Suisse les vélos TREK,
Et nombreux sont maintenant les adeptes de ces bicyclettes.

Ton épouse Noëlle dirigeait la boutique et ça lui allait comme un gant,
Redoutable, elle arrivait facilement à satisfaire les cyclistes les plus exigeants.

Il y aurait encore beaucoup à dire tellement ta carrière fut intense,
Mais nous te laisserons à tes souvenirs immenses.

Aujourd’hui c’est la remise officielle des clés du magasin,
C’est à toi Olivier de relever un nouveau défit et orienter ton destin.

Dans ces magnifiques locaux refaits à neuf et tout ce beau matériel,
Olivier tu pourras étaler ton savoir et tes compétences manuelles.

Il est certain que la redoutable équipe cycliste VIFIANOS continuera,
Avec de régulières sorties et semaines de vélo qu’on organisera.

Bonne retraite Bernard et maintenant que tu es grand-père,
Tu peux être fier de ton parcours et y aller un peu plus pépère.

Quand à vous Olivier et Céline, nous vous souhaitons de franchir ce pari,
Avec beaucoup de succès, nous en serions tellement ravis.

Pour terminer Bernard, par crainte d’un redoutable come back,
Tes fidèles clients et amis t’offrent des kilomètres sous forme de chèque.

Texte lu par Bernard Degaudenzi, le 3 février 2011, au nom des «Vifianos»